Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.

samedi 27 février 2010

Les devoirs d'Emily

Les éditeurs, ou plutôt les chercheurs qui les sollicitent ont parfois de drôles d'idées. Le chercheur, c'est en l'occurence Augustin Trapenard, qui dut se mettre un jour en tête d'éditer les devoirs de français d'Emily Brontë (1). On peut rappeler brièvement les circonstances : en 1842, Charlotte et Emily, subventionnées par leur tante (Maria Branwell), se rendent à Bruxelles pour perfectionner leur français - Charlotte a dans l'idée d'ouvrir une école pour jeunes filles au presbytère de Haworth. Leur point de chute ? La maison d'éducation pour jeunes demoiselles de madame Zoé Héger-Parent. Pour les deux jeunes femmes, qui n'ont guère connu que le presbytère de Haworth, la pension Héger va constituer un choc. Elles sont protestantes, les Héger et la plupart de leurs pensionnaires sont catholiques. Alors que toutes ces jeunes filles appartiennent à des familles aisées qui leur permettent d'afficher les dernières robes à la mode nos deux anglaises n'ont qu'une garde robe des plus austères et des plus limitées qui signale immédiatement leur différence. Elles sont en outre les plus âgés du cours Héger puisqu'elles ont respectivement vingt-trois et vingt-cinq ans.
C'est constantin Héger, le mari de la directrice qui fait office de professeur de français. Il est également professeur de rhétorique à l'Athénée Royale, école de garçon, voisine de la pension Héger. Charlotte tombe immédiatement sous le charme de l'éloquent professeur. Son roman, Le Professeur, rendra compte de cette platonique histoire d'amour. Quant à Emily, elle semble beaucoup plus réfractaire aux consignes du maître. Les devoirs d'imitation que soumet Héger à ses élèves ne sont pas de son goût et les devoirs qu'elle remet témoignent de son esprit frondeur et de son attachement à son Angleterre protestante à laquelle elle ne cesse de se référer.
Lé séjour s'interrompra en novembre 42, la tante Branwell décède. Après les obsèques, Charlotte retournera à Bruxelles, Emily, non.
L'exercice proposé par Héger est le suivant : rédiger une lettre d'invitation et sa réponse. Emily imagine qu'une dame sollicite une pianiste à venir jouer un morceau lors d'une réception qu'elle donne chez elle le lendemain soir. La réponse de la pianiste ne manque pas d'effronterie et témoigne de l'esprit de rébellion d'Emily. Emily, à cette époque, donnait des leçons de piano aux pensionaires de l'institut Hger, tâche qui ne l'enthousiasmait guère. La réponse de la pianiste donc, qui ignore superbement les règles de la politesse la plus élémentaire :


Mademoiselle,
Il aurait été, en vérité, un grand plaisir pour moi si j'avais pu accepter votre invitation ; mais dans une vie comme la mienne, il ne faut pas toujours suivre notre inclination et malheureusement, le jour de votre soirée, est, de tous les jours de ma semaine, le plus occupé : ainsi je me trouve obligée à renoncer au bonheur de voir mes amis et de contribuer ce que je pusse à leur amusement.
Mais lorsque j'éprouve des contre-temps je cherche ordinairement quelque dédommagement en revanche, et à présent, je me console avec l'idée que si je suis privée de l'opportunité d'exhiber mon petit talent, au moins, je n'aurais pas la mortification d'être témoin du mauvais succès [de mon travail] à l'égard de vous ; parceque j'ai ouï dire que vous deviez ,jouer un morceau sur cette occasion, et pardonnez moi si je vous conseille (c'est par pure amitié) de choisir le temps quand tout le monde sont occupé d'autre chose que la musique, car je crains que votre exécution ne soit un peu trop remarquable.
Cependant je ne voudrais vous décourager, bon jour, et bon succès de tout mon coeur.
(1) Emily Brontë, Les devoirs de Bruxelles, introd. et notes d'Augustin Trapenard, Mille et une nuit.
Ill. Portrait d'Emily Brontë in William Scrutton, Thornton and the Brontës.

mardi 16 février 2010

Angels, in the early morning


Etrangeté des poèmes d'Emily, les anges, figures du destin? Insouciance de la vie ? L'eau, le feu, la mort, et le principe spirituel comme agent de la continuation...

Angels, in the early morning
May be seen the Dews among,
Stooping - plucking - smiling - flying -
Do the Buds to them belong ?

Angels, when the sun is hottest
May be seen the sands among,
Stooping - plucking - sighing - flying -
Parched the flowers they bear along.


Emily Dickinson, Y aura-t-il pour de vrai un matin, cahier 3, José Corti, 2008

Les anges, au petit matin,
Se laissent voir dans les Rosées - qui
Se baissent - herborisent - sourient - volent
Est-ce que les Bourgeons leur appartiennent ?

Les anges, dans l'incandescence de midi
Se laissent voir parmi les sables - qui
Se baissent - récoltent - sourient - volent -
Désséchées les fleurs qu'ils soutiennent .

Trad. S. Labbe.

Illustration de Claude Shepperson pour un poème d'Alfred Noyes in Princess Mary's Gift Book, 1914.