Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.

lundi 29 décembre 2014

Haworth de Carol Ann Duffy

Peu connue en France Carol Ann Duffy occupe un rôle de premier plan sur la scène littéraire nationale anglaise : http://www.famousauthors.org/carol-ann-duffy

"Haworth" est très probablement un hommage à Emily Brontë, les métaphores rendent compte d'une forme de panthéisme qu'on trouve dans les Poems d'Emily. La simplicité de la phrase est caractéristique de la poésie de Carol Ann Duffy. Cette simplicité passe mal en français, les structures attributives par exemple pourraient sembler un peu puériles, ce qui n'est évidemment pas le cas...

I’m here now, where you were.
The summer grass under my palm is your hair, 
Your taste is the living air. 

I lie on my back. Two juggling buterflies are your smile, 
The heathery breath of the moor’s simply your smell. 
Your name sounds on the coded voice of the bell. 

I’ll go nowhere you’ve not. 
The bleached dip in creatures’s bone’s your throat, 
That high lark, whatever it was you thought. 

And this ridge stone your hand in mine, 
and the curve of the turning earth your spine, 
and the swooning bees besotted with flowers your tune. 

 I get up and walk. The dozing hillside is yout dreaming head. 
The cobblestones are every word you said. 
The grave I kneel beside, only your bed. 

 Carol Ann Duffy, Rapture, Picador, 2005.

Me voilà ici, là où tu fus
Les herbes de l’été, sous ma paume sont tes cheveux
Dans l’air vivant subsiste ta saveur.

Je suis étendue sur le dos. Ton sourire réside dans les
[deux papillons qui virevoltent,
La bruyère respire encore sur les moors ton odeur
Ton nom résonne dans la voix cadencée de la cloche.

Je n’irai ailleurs que là où tu fus.
Ta gorge est dans le déclin délavé des os de la créature,
Ta pensée dans cette alouette haut perchée, quelle qu’elle fût.

Et l’arête de cette pierre, ta main dans la mienne,
et la courbe de l’horizon, l’épine de ton dos,
et la faible abeille éprise de la fleur, ta mélodie.

Je me suis levée et j’ai marché. Ta tête rêveuse est le flanc assoupi de la colline.
Les mots que tu prononças sont dans les pavés.
La tombe où je me suis agenouillée, n’est que ton lit.

Trad. S. Labbe


mardi 23 décembre 2014

"Samuel de Champlain" par C. Gagnon et J.-P. Tusseau


En France, Samuel de Champlain est un nom qu’on associe vaguement au Québec et dont on situe plus ou moins bien l’histoire aux débuts du XVIIe siècle. 

Le petit ouvrage de Cécile Gagnon et Jean-Pierre Tusseau, Samuel de Champlain, fondateur de la Nouvelle-France aura le mérite de préciser l’itinéraire, l’aura et la ténacité de cette figure exemplaire d’aventurier idéaliste dont le parcours a déjà été étudié dans les pages de l’École des lettres.

- See more at: http://www.ecoledeslettres.fr/blog/litteratures/samuel-de-champlain-fondateur-de-la-nouvelle-france-par-cecile-gagnon-et-jean-pierre-tusseau/#sthash.zRQxTlwl.dpuf

Pour les classiques abrégés

J'aime le classique abrégé

1/ Parce que c'est un livre.

Les professeurs sont d'éternels inquiets : il s'inquiètent de savoir comment faire aimer leur matière de prédilection à leurs élèves qui, souvent pressés d'en finir avec la corvée littéraire tri ou quadri annuelle, s'empressent de chercher sur internet Le résumé qui leur permettra d'éviter la lecture du pensum. Je pense que plus personne aujourd'hui ne donne à lire les 1662 pages de l'héroïque édition Pocket des Misérables - il n'empêche que sa simple existence titille sûrement le lecteur aguerri qui connaît tout des Misérables sans les avoir jamais lu, d'où sa nécessité.
Non, le professeur a la choix entre la collection d'extraits (Larousse par exemple) et le "classique abrégé" (L'École des loisirs ou Le Livre de Poche). L'immense avantage du classique abrégé c'est qu'il fait oublier la dimension scolaire de l'exercice. L'élève n'a pas un livre avec des pages dont les lignes sont numérotés, des questions qui lui rappellent sa fastidieuse condition de cancre ou son honorable (quoique) position de "bon élève".

2/ Parce que c'est un livre d'auteur

Comparons! Il s'agit de L'Homme qui rit, chapitre 1 du livre III :

La tempête n’était pas moins intense sur terre que sur mer. 
Le même déchaînement farouche s’était fait autour de l’enfant abandonné. Le faible et l’innocent deviennent ce qu’ils peuvent dans la dépense de colère inconsciente que font les forces aveugles ; l’ombre ne discerne pas, et les choses n’ont point les clémences qu’on leur suppose. 
Il y avait sur terre très peu de vent ; le froid avait on ne sait quoi d’immobile. Aucun grêlon. L’épaisseur de la neige tombante était épouvantable. 
Les grêlons frappent, harcèlent, meurtrissent, assourdissent, écrasent ; les flocons sont pires. Le flocon, inexorable et doux, fait son œuvre en silence. Si on le touche, il fond. Il est pur comme l’hypocrite est candide. C’est par des blancheurs lentement superposées que le flocon arrive à l’avalanche et le fourbe au crime. 
L’enfant avait continué d’avancer dans le brouillard. Le brouillard est un obstacle mou; de là des périls; il cède et persiste; le brouillard, comme la neige, est plein de trahison. L’enfant, étrange lutteur au milieu de tous ces risques, avait réussi à atteindre le bas de la descente, et s’était engagé dans le Chess-Hill. Il était, sans le savoir, sur un isthme, ayant des deux côtés l’océan, et ne pouvant faire fausse route, dans cette brume, dans cette neige et dans cette nuit, sans tomber, à droite dans l’eau profonde du golfe, à gauche dans la vague violente de la haute mer. Il marchait, ignorant, entre deux abîmes.

La version abrégée par Boris Moissard pour l'école des loisirs:
La tempête n’était pas moins intense sur terre que sur mer. Le même déchaînement farouche s’était fait autour de l’enfant abandonné. 
L’enfant, étrange lutteur au milieu de tous ces risques, avait réussi à atteindre le bas de la descente, et s’était engagé dans le Chess-Hill. Il était, sans le savoir, sur un isthme, ayant des deux côtés l’océan, Il marchait, ignorant, entre deux abîmes.

On ne niera pas : Victor Hugo ne sort pas enrichit de l'épreuve. Mais sa phrase demeure, l'image résiste, le pathétique se maintient. Les 830 pages de ce fabuleux roman sont inaccessibles à l'élève moyen de quatrième, la version de Boris Moissard offre au moins l'occasion de tenter le pari, qui de toute façon n'est pas gagné.
Ce qui subsiste c'est la "sensation" de Victor Hugo, quelque chose qui relève de l'esthétique, j'utilise le mot comme l'utilise Jean Cohen dans Structure du langage poétique pour évoquer la "sensation de poésie". Et c'est sur cette "sensation" que je peux m'appuyer pour aborder la notion de "littérarité" au collège.

3/ Parce que je crois en la nécessité de faire lire les classiques ...

mais qu'à l'impossible nul n'est tenu. Obtenir le lecture d'un classique abrégé c'est obtenir une immersion dans la culture. Les classiques, mêmes abrégés, résistent à nos collégiens. Il faut faire l'épreuve de cette résistance et en sortir victorieux.
Nous n'avons pas vocation, nous, professeurs de français à faire aimer la lecture. Voilà pour beaucoup de parents d'élèves un paradoxe.
Non nous avons pour mission de d'initier au monde de la littérature, il se peut que les habitudes de lectures qu'aura développées le lecteur compulsif de sagas d'heroïc fantasy l'aident un peu à entrer dans l'Odyssée ou dans Jules Verne. Mais cette lecture, là, lecture plaisir, lecture de l'oubli ne nous aide finalement que très peu puisque précisément le texte littéraire est un texte qui nous tient en éveil.
Et comme une règle de grammaire anglaise, un théorème de géométrie ou une déclinaison latine, l'appropriation d'une oeuvre littéraire demande un effort.
La littérature jeunesse a toute sa place au collège, elle ouvre des pistes, introduit des thématiques et des formes littéraires. Elle peut se faire seule. Dans ce monument qu'est l'Homme qui rit, l'élève a besoin d'un guide.

samedi 6 décembre 2014

"Moby Dick" d'Herman Melville

Article publié dans le n°1 de L'Ecole des lettres 2013-2014
La séquence explicite davantage que d'autres la démarche pédagogique à suivre.

Moby Dick, l’un «des plus grands romans jamais écrits 1 », si l’on en croit Dominique Fernandez, a tous les travers susceptibles de rebuter le jeune lecteur: dans sa version intégrale, le roman dépasse les sept cents pages et multiplie digressions, passages didactiques et considérations métaphysiques autour d’un fil narratif assez mince puisqu’il ne s’agit, après tout, que d’une chasse à la baleine, d’une vengeance qui prend, certes, des proportions cosmiques, mais qui peut décourager le lecteur en mal d’aventures. 
La séquence qui suit porte sur une version abrégée de Moby Dick et n’a d’autre ambition que de conduire les élèves à goûter cette œuvre qui compte parmi celles contre lesquelles il faut parfois se battre un peu pour se hisser à leur niveau. Son étude conviendra aux classes de quatrième puisque le programme les invite à étudier le XIXe siècle. 
Il est recommandé d’aborder l’œuvre de Melville à la fin du troisième trimestre, elle permettra ainsi de revenir sur des concepts explorés de façon progressive au cours de l’année: en effet, le récit réaliste, le fantastique, la poésie lyrique sont autant de notions qui trouvent un écho dans l’œuvre de Melville. Ce moment de l’année nous autorise également à initier les élèves à la production de textes argumentatifs afin de les préparer aux épreuves du brevet qui proposent désormais un sujet de cette nature. 
Notre suggérons une approche thématique du roman qui consiste, au cours de chaque séance, à mettre en relief l’un de ses aspects: roman d’aventures, roman philosophique, roman poétique... Moby Dick est tout cela et bien plus encore.

On trouvera le détail de la séquence sur :

La conclusion  qui n'a pu être publiée - faute de place

Le contrat est-il rempli ? Avons-nous démontré la littérarité de Moby Dick ? Avant de conclure par la négative, rappelons la complexité d’une telle entreprise. Il est moins facile de démontrer l’aspect littéraire d’une œuvre que l’existence d’un angle droit dans un triangle ! La littérarité pour reprendre un barbarisme communément utilisé dans les années 70, ne se laisse pas aisément définir. Elle est le fruit de la coutume : sont littéraires les œuvres patrimoniales, Moby Dick en fait certes partie. Mais nous ne contenterons guère nos élèves avec de tels raisonnement qui consistent à dire « C’est comme ça parce que c’est comme ça ! » En se tournant vers la conjonction du sens et de la forme : on peut admettre qu’une œuvre littéraire est une œuvre dense, riche et profonde. La version abrégée a astucieusement conservé la persistance des grands symboles – nous ne l’avons pas abordé, faute de temps, mais que penser d’un équipage aussi composite dont les harponneurs sont d’origines occidentale, océanienne, africaine, asiatique ? que penser des nombreux épisodes de morts et renaissance auxquels nous fait assister la narration ? Nous aurons au moins démontré la coexistence de nombreux registres (poétique, didactique, fantastique) et la dimension prométhéenne du capitaine Achab. Moby Dick apparaît donc bien comme une somme, somme de savoirs, de mythes et de symboles. Et voilà qu’apparait un nouveau critère de littérarité : la polysémie. Comment lire cette histoire, s’agit-il d’un « blasphème » comme le pense John Huston qui adapta le roman au cinéma – cf bibliographie ? S’agit-il d’une variation sur le mythe de Prométhée ? D’une interrogation sur la relation nouvelle que l’homme doit instaurer aux dieux, voire d’une remise en question radicale de leur existence ? Il faut avouer que la lecture et l’étude de cette œuvre nous laissent bien peu de certitudes. Moby Dick est à l’image du monde : le roman pose plus de questions qu’il n’en résout. Voilà bien ce qui fait sa modernité ‑ autre critère de littérarité depuis les romantiques qui ont substitué au principe de l’imitation classique, celui de l’invention.
Nous admettrons donc n’avoir que partiellement rempli notre mission – à ceux qui douteraient du bien fondé des questions que nous posons en conclusion à une classe de quatrième, nous conseillons tout simplement de tenter l’expérience. Pour le reste, nous n’avons certes pas fait lire l’œuvre intégrale ‑ mais à l’impossible nul n’est tenu ‑ , nous avons privilégié certains extraits, ou certains angles d’attaque restreints. Nous croyons malgré tout que nous aurons fait partager ce «  surcroît de plaisir esthétique » dont parle Freud dans Le créateur littéraire et la fantaisie (in L’inquiétante étrangeté, Folio). Et nous estimerons avoir remporté la partie si, dans quelques années, l’un (voire, pourquoi pas, quelques uns) des trente élèves que nous avons face à nous dans une classe se plonge dans la version intégrale de l’œuvre, persuadé qu’il sera de n’y pas perdre son temps.

jeudi 27 novembre 2014

Jérusalem en Dalécarlie de Selma Lagerlöf

"Parmi ces femmes de grand talent ou de génie, aucune ne se situe plus haut à mon sens que Selma Lagerlöf. Elle est en tout cas la seule qui s'élève constamment au niveau de l'épopée et du mythe". (Marguerite Yourcenar)
Voilà un jugement qu'on n'attendait sans doute pas de notre académicienne envers une romancière qui semble un peu perdue dans les limbes d'une notoriété désuète. Et pourtant...
Lire Selma Lagerlöf c'est faire une expérience à nulle autre comparable : la psychologie ne l'intéresse pas, l'analyse sociale pas davantage, l'aventure tourne souvent court et le récit s'emballe en des directions incongrues qui défient les lois du réalisme.
Je dois au Kamo de Pennac d'avoir découvert, cette formidable épopée du pasteur amoral qu'est Gösta Berling. Jérusalem en Dalécarlie est un roman de la même veine. On suit, dans une petite communauté rurale la destinée des Ingmar Ingmarsson, riche famille respectée et le surgissement d'une secte dont les zélateurs menacent traditions et solidarité. L'ouvrage fourmille d'anecdote qui valorisent l'intuition érigée au rang de valeur. Comprise comme un mouvement de nature quasi religieuse qui relie l'être humain à ce qu'il détient de plus profond en lui, elle l'amène à se tourner vers les autres et à agir en être responsable. 

dimanche 23 novembre 2014

A propos des notes

Les notes sont donc à proscrire, on leur reproche d'être violentes, d'instaurer des classements, d'être subjectives... J'ai dû - pas vraiment volontairement - classer les dits reproches par ordre d'importance.

Violentes, il y aurait une violence du système scolaire. Le système scolaire est un système, il a donc ses lois, comme la société. Enlever des points sur un permis de conduire, c'est une violence, exiger d'un employé qu'il soit à l'heure au travail, c'est une violence... C'est à l'enseignant de renseigner l'élève sur la valeur de sa note, qui premièrement vient évaluer une production, pas l'élève lui même mais ce qu'il a fait. Il vaut d'ailleurs mieux évaluer une production qu'une compétence - ce qui ne veut rien dire, j'y reviendrai plus tard - et il n'y a rien de vraiment dramatique à avoir (non pas être) un zéro en orthographe. Moi qui ai eu cette note de façon constante pendant des années, je m'en suis remis. Les notes ne sont pas une violence, elle sont un mode de fonctionnement qu'il faut savoir dédramatiser, si tant est qu'il le soit.

Les classements : il s'agit moins de classer que de différencier. Le problème du système scolaire, c'est qu'il est scolaire, c'est à dire qu'il porte sur des disciplines scolaires pour lesquelles tout le monde n'a pas une grande affection. Il y a certainement à repenser son organisation. ce serait effectivement bien de valoriser, à l'école les élèves qui n'ont pas ces affinités avec les maths ou le français. on conviendra toutefois que ce système n'est pas complètement idiot puisque sans ces deux disciplines, on a du mal à pouvoir aborder les autres mais rien n'interdit de diversifier le champ des disciplines et d'introduire sous forme optionnelle des pratiques plus concrètes, c'est un choix sociétal, l'issue d'une réflexion qui devrait engager tous les acteurs du système éducatif. Mais quand je mets 6/20 à une expression écrite de troisième, je n'ai pas pour intention d'écarter l'élève de l'enseignement général, s'il le désire. Je l'alerte, nous avons ensemble du travail à faire pour que son désir prenne corps et réalité.

Subjectivité : bien sûr. C'est sans doute le reproche le plus fondé et je sais depuis toujours que je suis capable de noter 6 une copie que je noterais 8 si on me demandait de la recorriger deux mois plus tard. Je sais ce qu'est la docimologie. Je constate par ailleurs que de bons élèves - qui sont relativement bien notés - sont incapables d'affronter les rigueurs d'une première année de médecine et que des élèves que le système a mal notés franchissent ce cap sans problème. Mystères de la psyché humaine que les sciences cognitives, humaines et autres n'éclaireront jamais. Parce que la détermination, la volonté de réussir procèdent de l'intime. Parce que dans la subjectivité réside notre liberté. Et qu'au fond être subjectif c'est être imparfait mais compétent. Demandez à un robot de corriger une expression écrite.  


mercredi 12 novembre 2014

"Le Passeur" et "Le Fils" de Lois Lowry

Si Le Passeur est devenu un classique de la littérature pour la jeunesse aux États-Unis, c’est sans doute parce qu’il autorise, avec de jeunes lecteurs, une réflexion sur la condition humaine. En effet, la société qui y est décrite est une variation sur Le Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley. 
Mais, dans la « communauté » imaginée par Lois Lowry, le degré de coercition est tel que nul ne songe à s’évader, sans doute parce qu’on a su y instaurer, sur le principe du bouc émissaire, un détenteur de la condition humaine, qui en prend sur lui le fardeau, quand les autres membres de la société choisissent de vivre dans l’illusion d’un monde parfait. Ce bouc émissaire, c’est le « dépositaire de la Mémoire », le « passeur » qui donne son titre au roman.

n°2, 2014-2015 : http://www.ecoledeslettres.fr/index.php



mardi 11 novembre 2014

Harry Potter à l'école de la philosophie

Harry Potter a déjà fait couler beaucoup d’encre. Je ne songe pas aux milliers d’articles qui lui ont été consacrés dans la presse mais seulement aux commentaires, plus ou moins heureux, qu’il a suscités.
Le premier essai notable aura été celui d’Isabelle Smadja, Harry Potter, les raisons d’un succès. L’auteure passait aux cribles de la philosophie, de la psychanalyse et de la sociologie les quatre premiers volumes de la série. Isabelle Cani, dans Harry Potter ou l’anti Peter Pan, se livrait à une comparaison astucieuse entre les deux personnages éponymes, montrant que Peter Pan préfigurait le culte de l’éternelle jeunesse qui agite notre époque tandis qu’Harry Potter, après un long cheminement vers l’âge adulte, en assumait pleinement les contraintes et les valeurs.
L’essai de Marianne Chaillan, Harry Potter à l’école de la philosophie, publié dernièrement chez Ellipses, confirme en partie la thèse d’Isabelle Cani et démontre une nouvelle fois, si besoin en était, la richesse d’une œuvre qui, tout en s’inscrivant pleinement dans notre temps, a su intégrer de façon ludique les héritages philosophiques et culturels de la civilisation occidentale.


- See more at: http://www.ecoledeslettres.fr/blog/litteratures/litterature-de-jeunesse-litteratures/harry-potter-a-lecole-de-la-philosophie-de-marianne-chaillan/#sthash.Kjm7Q96E.dpuf

samedi 20 septembre 2014

« Il existe d’autres mondes », de Pierre Bayard

Voilà déjà quelques années déjà que Pierre Bayard nous surprend par ses thèses iconoclastes. Je l’ai découvert non pas par son œuvre culte – Comment parler des livres qu’on n’a pas lu – mais par un essai brillant, Comment améliorer les œuvres ratées, un ouvrage certes un peu irrévérencieux mais qui m’a fourni une mine de réflexions à exploiter avec mes élèves de terminale : et oui les grands auteurs n’ont pas écrit que des chefs d’œuvre ! 
On peut bien évidemment interroger la légitimité des textes qui nous sont donnés à lire et poser la question de la littérarité, questions d’ailleurs à laquelle répond l’auteur dans ce livre (Comment améliorer…) par le biais d’une approche psychanalytique mesurée et des plus stimulantes. 
 Ses contre-enquêtes sur le Chien des Baskerville ou sur le Meurtre de Roger Ackroyd l’amenaient tranquillement à démontrer que Sherlock Holmes ou Hercule Poirot, sans doute enivrés par leurs propres succès en arrivaient à se méprendre sur la véritable nature des criminels. 
Le lecteur qui a aimé Qui a tué Roger Ackroyd ? trouvera dans le dernier opus de Pierre Bayard, une troisième hypothèse réjouissante qui n’est ni celle d’Hercule Poirot, ni celle de l’essayiste. 

La théorie des univers parallèles 
Avec Il existe d’autres mondes, Pierre Bayard s’attaque à la théorie quantique pour la mettre au service de la littérature : voilà qui est inattendu ! Voilà pourtant qui inaugure de riches réflexions empreintes de cette impertinence qui fait le charme de ses essais. Mais s’agit-il bien d’essais ? 

 - See more at: http://www.ecoledeslettres.fr/blog/litteratures/il-existe-dautres-mondes-de-pierre-bayard/#sthash.whLsLGDr.dpuf

dimanche 7 septembre 2014

Une nouvelle traduction d'"Ethan Frome" d'Edith Wharton

Une romancière lucide

Le style étincelant et incisif d’Edith Wharton se voit rendre justice avec cette nouvelle traduction d’Ethan Frome due à Julie Wolkenstein. La romancière américaine que l’on associe volontiers à l’exploration des subtiles intrigues psychologiques qui agitent la haute société new yorkaise est aussi l’auteure de romans bruts, rustiques à la sensualité énigmatique et douloureuse, l’on songe à Ethan Frome bien sûr mais aussi à Eté, autre chef d’œuvre méconnu.
Il faut lire l’introduction d’Edith Wharton pour comprendre à quel point la romancière se révèle lucide sur son art, consciente de ses effets. Rien d’étonnant à cela, rappelons que les éditions Vivianne Hamy ont publié il y a quelques années les réflexions de notre auteure sur l’art de la fiction, recueil d’analyses passionnantes qui  témoignent de l’admiration de cette francophile inconditionnelle pour Balzac, Stendhal et Flaubert.

Une narration méditée

Reconnaissant que « Chaque sujet contient implicitement une forme et des dimensions qui lui sont propres », Edith Wharton divulgue la manière dont elle a résolu les problèmes que lui posait la mise en place d’un relais narratif : « il fallait que je trouve un moyen de porter ma tragédie  à la connaissance de mon narrateur. »  C’est dans La grande Bretèche de Balzac qu’elle finira par trouver la solution.
L’étrangeté du récit tient effectivement grandement à cet agencement technique qui consiste à plonger un étranger au sein d’une collectivité rurale repliée sur elle-même et avare des secrets qui la torturent. Il y a quelque chose des Hauts de Hurlevent dans le huis clos tragique qui se met peu à peu en place sous les yeux du narrateur.
Comme le Lockwood d’Emily Brontë dans les contrées arides du Yorkshire, le narrateur d’Edith Wharton se révèle totalement inadapté aux rudesses du climat de la Nouvelle Angleterre. Chargé par son employeur d’une mission à la centrale électrique de Corbury, il remarque un homme étrange qui malgré la claudication dont il est affligé lui semble  « à la fois détaché et imposant ». Tout ce qu’il parvient à savoir de cet inconnu c’est qu’il se nomme Ethan Frome et qu’il a été victime plus de vingt cinq ans auparavant d’une mystérieuse collision.
Dans ces montagnes  encombrées de neige Ethan Frome devient le conducteur de notre ingénieur narrateur et les conditions climatiques se font tellement mauvaises qu’ils doivent se réfugier un soir chez Ethan dans une maison en bois symboliquement rétrécie. « C’est cette nuit là nous confie le narrateur que j’ai découvert la clé d’Ethan Frome. »

La pesanteur du réel

Marié très jeune à une femme hypocondriaque et plus âgée que lui, Ethan a connu des jours meilleurs, grâce à son travail acharné il a pu restaurer la scierie paternelle, s’assurer l’estime de tous dans ces contrées ombrageuses ou la survie tient déjà du prodige. Jusqu’au jour où sa femme Zeena, fait venir à la maison sa jeune et jolie cousine Mattie. L’histoire d’amour ne naît pas tout de suite, elle ne s’impose véritablement qu’au moment du dénouement, tragédie absolue qui révélera les personnages à eux-mêmes.
Mais contrairement à l’univers d’Emily Brontë qui s’ouvre sur un au-delà ‑ torturé certes ‑, celui d’Edith Wharton n’offre nulle transcendance, le personnage sont rattrapés par la réalité qui les contraint « comme un geôlier menottant un coupable. » Tous les grands thèmes d’Edith Wharton, se retrouvent dans ce court roman : les contradictions entre aspirations individuelles et convenances, les incertitudes du moi et les faux semblants des sentiments et ressentiments. Ethan Frome est un condensé de l’art de  cette romancière hors pair que fut Edith Wharton et la traduction de Julie Wolkenstein lui restitue sa vigueur primitive et désespérée.

Edith Wharton, Ethan Frome, trad. de Julie Wolkenstein, P.O.L., 2014.
Edith Wharton, Les Règles de la fiction, Viviane Hamy, 2006.

Emily Brontë, Les Hauts de Hurlevent, L’école des loisirs, 2011.

samedi 21 juin 2014

Epreuves de littérature TL 2014

Le sujet national des épreuves de littérature en terminale L a pris appui, cette année, sur le domaine d’étude « Lire écrire publier » et invité les candidats à réfléchir sur le drame de Musset, 
Lorenzaccio. Les deux questions bien ciblées visaient à faire mettre en œuvre les connaissances liées au domaine d’étude. Notre proposition de corrigé se veut une réponse « réaliste » dans la mesure où il a été effectué dans les conditions de l’examen. Le lecteur voudra donc bien nous pardonner l’imprécision de certaines références . 

Question 1 . L’œuvre de Musset, « Lorenzaccio », a d’abord été publiée en 1834 au sein du recueil « Un spectacle dans un fauteuil ». En quoi ce choix peut-il guider la lecture de la pièce ? 

 Publié en 1834, le tome deux du Spectacle dans un fauteuil de Musset regroupe des œuvres de genres et de tonalités variés. Le premier volume, par exemple contient essentiellement des œuvres dramatiques (Lorenzaccio figurant en tête d’ouvrage), mais on y trouve aussi un fragment du livre XV des Chroniques florentines qui ont inspiré Musset. Il y a, pour le lecteur d’aujourd’hui, quelque chose de paradoxal dans le titre choisi par Musset : qu’est ce en effet qu’un spectacle qui serait conçu pour l’intimité d’un lecteur confortablement calé dans son fauteuil – en une époque où la télévision n’avait pas encore fait irruption dans les salons ? Ce théâtre qui se donne à lire, n’a-t-il pour vocation que d’être lu ? Nous montrerons que si Musset a, de façon intentionnelle, conçu son théâtre pour la lecture, il n’a pas pour autant rejeté l’idée de mise en scène. 

 - See more at: http://www.ecoledeslettres.fr/blog/litteratures/epreuve-de-litterature-en-terminale-l-proposition-de-corrige/#sthash.PXkUNF4V.dpuf

jeudi 22 mai 2014

René Daumal est mort, il y a soixante-dix ans

René Daumal, c’est une trace, un sillon creusés dans la littérature et la vie. L’image est à la fois banale et paradoxale quand on sait que le poète est désormais surtout connu pour Le Mont Analogue, ce conte métaphysique inachevé, récit d’une ascension Mais Daumal a bien creusé sa vie comme on creuse un sillon (versus), cherchant avant tout à être. 
André Dhôtel, dans un court article lumineux (1), établit ce qui, selon lui, unit la démarche de Daumal à celle de Rimbaud : « … comme lui [Rimbaud], il a acquis une conviction inébranlable : la véritable voie spirituelle est un secret à retrouver, c’est-à-dire un élan originel vers ce qui est autre, vers l’inconnu qui nous échappe et seul peut nous redonner la lumière et le salut.


samedi 26 avril 2014

« Le Mange-doudous », de Julien Béziat

Les bons albums pour enfants – et ils ne sont pas si nombreux – renvoient l’enfant à ses préoccupations essentielles. Bruno Bettelheim, l’un des premiers, a montré l’importance des contes pour aider au développement de l’enfant. 
 Les bons albums font de même et ils possèdent l’immense avantage de proposer au petit lecteur des images. L’album de Julien Béziat, Le Mange-doudous, qui s’est vu décerné le prix Landerneau 2013, fait partie de ceux-là. 

 - See more at: http://www.ecoledeslettres.fr/blog/litteratures/litterature-de-jeunesse-litteratures/le-mange-doudous-de-julien-beziat/#sthash.QtNTjTzE.dpuf

samedi 18 janvier 2014

Daphne du Maurier

Daphne du Maurier n'est certes pas une romancière majeure du XXe siècle mais ses romans ont tenu en haleine des millions de lecteurs et son écriture classique influencée par les soeurs Brontë et le roman gothique demeure efficace et donne lieu à de belles réussites stylistiques, qu'il s'agisse de décrire ou de mettre en scène les méandres d'une conscience.

Daphne du Maurier est née en 1907 dans une famille d'artistes. Son grand père George du Maurier s'était fait connaître en tant que caricaturiste de presse. L'âge, la menace de la cécité et les conseils de son ami, le très littéraire romancier Henti James, le conduisirent à écrire deux romans qui furent de grands succès en leur temps, Peter Ibbetson (1891) et Trilby en 1894.

Le père de Daphné du Maurier, Gerald, fut quant à lui, un acteur célèbre, un de ses rôles les plus fameux est celui du Capitaine Crochet dans la pièce à succès de James Barrie, Peter Pan. On peut aussi noter que les quatre cousins de Daphne, furent adoptés par James Barrie, à la mort de leurs parents.
Sa soeur enfin, Angela né en 1904, fut aussi romancière mais il faut croire qu'elle aura eu moins de succès que sa benjamine puisque aucune de ses oeuvres n'a été traduite en français et qu'elle intitulera son autobiographie : It's only the sister, an autobiography.
Daphne aura une enfance heureuse avec ses deux soeurs, Angela l'aînée et Jeanne (née en 1911). Leur père voulait un garçon mais dut se contenter de ses trois filles et il semble que les petites aient très souvent joué à être des garçons, peut-être pour exhausser inconsciemment le désir de leur père.

Daphne fréquente les meilleurs écoles de Londres et achève ses études en France où elle se documente sur ses ancêtres d'origine française. Cette documentation lui servira à écrire deux ouvrages consacrés aux dits ancêtres. Elle publie ses premières nouvelles dans le magazine Bystander dont son oncle est propriétaire (deux de ces nouvelles ont récemment été éditées dans le recueil La Poupée, publié chez Albin Michel en 2013.

Ses deux premiers romans Loving Spirit (L'Amour dans l'âme en français) et I'll never be young (Jeunesse perdue) datent de 1931 et 1932. Ce sont des oeuvres de jeunesse qui démontrent déjà un sens de la construction dramatique certain. Elle épouse en 1932, le major Frederic Browning - qui deviendra général de division - avec qui elle aura trois enfants : Tessa (1933), Flavia (1937) et Christian (1940).

Son premier best seller est L'Auberge de la Jamaïque qu'elle publie en 1936. Le roman a pour cadre la Cornouailles où elle choisit de vivre et met en scène, dans la tradition du roman gothique, une jeune orpheline qui doit affronter son oncle, chef d'une bande de naufrageurs. L'ouvrage sera adapté au cinéma par Alfred Hitchcock en 1939. Le rôle de Marie Yellan est alors confié à Maureen O'Hara.

Mais c'est avec Rebecca (1938) qu'elle connait le plus grand succès de sa carrière, l'ouvrage est un best seller traduit dans toutes les langues et qui se verra aussi adapté au cinéma par Hitchcock en 1940. Le succès de Rebecca fut tel qu'il a occulté le reste de son oeuvre pourtant très estimable.

Daphne du Maurier est aussi l'auteure d'un certain nombres de nouvelles particulièrement réussies : outre Les Oiseaux (encore un film d'Hitchcock) on lira avec profit Le Pommier (modèle d'écriture fantastique). Parmi ses autres romans  Ma cousine Rachel et Le Bouc Emissaire sont des romans dignes de Rebecca pour la mise en oeuvre du suspens et le sens de l'intrigue. Daphné du Maurier a aussi écrit les biographies des ses ascendants (Les du Maurier) et de son père (Gerald). Elle s'est par ailleurs intéressée au cas Branwell Brontë, le frère des trois fameuses romancières dans Le Monde infernal de Branwell Brontë. Son oeuvre de dramaturge est moins connue (The years Between -1944 - et September tide - 1947), elle n'a d'ailleurs pas été traduite en français. Notre auteure a aussi fait oeuvre de documentariste puisqu'elle a consacré deux ouvrages à la Cornouailles, livres qu'on trouve dans tous les magasins de souvenirs de cette région (Vanishing Cornwall et Enchanted Cornwall).

L'amour qu'éprouve daphné du Maurier pour cette région où elle a élu domicile est sincère : elle passera la plus grande partie de sa vie dans le domaine de Menabilly qui lui inspira le château de maxime de Winter dans Rebecca mais devra quelques années avant sa mort quitter cette maison tant aimée.

Daphne du Maurier a donc été l'une des auteures les plus lues du XXe siècle. Son succès a évidemment suscité des jalousies et elle fut accusée de plagiat pour Rebecca et les Oiseaux. Ni dans un cas ni dans l'autre, ses accusateurs ne parvinrent à démontrer le plagiat.

Daphné de Maurier a également défrayé la chronique en prenant fait et cause pour son mari le général Browning dont le film de Richard Attenborough, Un pont trop loin, faisait un portrait injuste et dévalorisant. 

Daphne du Maurier est morte en 1989 dans son domaine de Par à quelques kilomètres de Menabilly. 

Sont actuellement disponibles en livre de poche
L'amour dans l'âme (The loving spirit, traduit aussi sous le titre de La Chaîne d'amour, 1931);
L'Auberge de la Jamaïque (Jamica inn, 1936);
Rebecca (1938);
Ma cousine Rachel (My cousin Rachel, 1951);
Le Bouc émissaire (The Scrapegoat, 1957);
La Maison sur le rivage (The House on the strand, 1969);
Mad (Rule Britannia, 1972);
Le recueil de nouvelles Les Oiseaux (qui regroupe des nouvelles de différentes époques est régulièrement réédité);

L'étude sur Branwell Brontë est disponible chez Phébus dans la collection Librio.
Le recueil de nouvelles intitulé La Poupée est disponible chez Fayard.

Ses autres romans se troiuvent sur les sites de vente par correpondance.

Documents
Photographie de Muriel Beaumont (actrice et mère de Daphné du Maurier avec ses deux filles ainées), National Portrait Gallery;
Daphne du Maurier en 1931;
Affiche du film d'Hitchcock, Les Oiseaux, 1963;
Une édition récente de Vanishing Cornwall.
Couverture de La Maison sur le rivage, (roman psychédélique) dernière réédition en poche.

Lien vers le site Daphné du Maurier
http://www.dumaurier.org/

samedi 4 janvier 2014

"Peter Pan" de James Barrie

C'est le livre de Kathleen Kelley Lainé qui a véritablement fait connaître le destin singulier de James Barrie en France. Les ouvrages d'Allison Lurie et François Rivière parus précédemment étaient restés assez confidentiels. Kathleen Kelley-Laîné, avec les méthodes d'investigation de la psychanalyse reconstituait le drame de l'enfant Barrie tout en faisant un parallèle avec les événements de sa propre existence. Il s'agissait d'un très beau livre, intelligent et mélancolique qui m'a introduit à l'univers de James Barrie.
Traduire Peter Pan a été pour moi un vrai bonheur, je ne suis pas angliciste de formation, la langue de Barrie est pleine d'énigmes et de chausses-trappes. Il m'a fallu plus d'un an pour mener ce travail a bien. Une relecture un peu précipitée y a laissé deux énormes coquilles que j'espère voir corrigées un jour. La traduction  doit beaucoup à M.-H. Sabbard - vraie traductrice, elle! - qui a repris les maladresses de mes réflexes scolaires.

Deux projets de quatrièmes de couvertures : 

numéro 1
« Je suis la jeunesse, je suis la joie ! […] Je suis le petit oiseau qui sort de son œuf ! » Tel se définit Peter Pan alors même qu’il livre combat au terrible capitaine Crochet. Peter Pan c’est l’éternelle jeunesse qui résolument a choisi de se détourner du monde des adultes. A Neverland, le pays hors du temps, sa vie est un perpétuel tourbillon d’aventures où se croisent les sirènes et les fées, où de courageux Indiens affrontent de sanguinaires pirates. Peter est l’âme de ce royaume où s’amalgament les trésors de l’imaginaire enfantin. Et lorsqu’il débarque dans la vie de Wendy et de ses frères, c’est pour les emmener dans le plus fabuleux des voyages dont chacun d’eux gardera, pour toujours, la trace nostalgique  au fond de son cœur.
Mais tout le monde n’est pas Peter Pan et Wendy, malgré toute l’affection, qu’elle a pour le héros, choisit de grandir. Si Peter Pan a fini par éclipser Wendy il convient de rappeler que le titre original de cette œuvre était Peter and Wendy et que, ce faisant, James Barrie mettait l’accent sur le rôle essentiel de la petite fille qui, fidèle à ses rêves d’enfance, aborde les rives de l’âge adulte en ayant su préserver l’essentiel : le souvenir de ce qu’est un enfant.

numéro 2
Lorsque, à l’approche de Noël 1904, saisi des plus grand doute, James M. Barrie met en scène les aventures de son Peter Pan sur les scènes d’un théâtre londonien, il est loin d’imaginer l’enthousiasme que son œuvre va susciter. Le succès est total. Le public participe, attendant impatiemment cette chance que l’auteur lui donne de ressusciter ou non la Fée Clochette. A la mort de l’auteur, en 1937, on donne encore Peter Pan, non seulement à Londres mais sur les scènes du monde entier. Comme s’il avait absolument voulu faire perdurer Peter Pan et son univers enchanté dans l’imaginaire des enfants, Barrie publie en 1911 une version romancée de la pièce, Peter and Wendy. C’est cette version dont nous publions aujourd’hui une traduction nouvelle. Comme bien des figures mythique la créature a échappé à son créateur. Peter Pan, l’éternelle jeunesse qui se rit du monde des adultes a donné naissance à quantité de films et de variations en tous genres et sa silhouette virevoltante continue de séduire grands et petits. Cette traduction conçue au plus près du texte original nous offre une occasion de le redécouvrir.

Article dans le Trégor

http://www.letregor.fr/2013/12/26/stephane-labbe-a-traduit-peter-pan/