Révision

La plupart des articles (traductions exceptées) ont été révisés au cours de l'automne 2014, d'où certains anachronismes au regard de la date de publication.

jeudi 25 janvier 2018

Et si le métier d'enseignant consistait à transmettre des savoirs?!

Aux collègues, qui sans doute comme moi, finissent par être un peu agacés par le prêchi-prêcha de certains inspecteurs et autres pédagogues, lesquels ne fréquentent nos classes que de façons occasionnelles, j’aimerais apporter quelques références tout aussi scientifiques que celles qui sous-tendent les pratiques de classes inversées, classes en îlots, et autres activités qui visent à mettre l’enseignant en posture d’observateur bienveillant. 
Si ces pratiques peuvent constituer une diversion bienvenue, elles ne sauraient fournir un enseignement structuré qui permette à l’élève de se forger une culture. On me rétorquera évidemment que la biographie de Chateaubriand se trouve désormais partout en ligne et qu’il n’est nul besoin que je la raconte à mes élèves. A quoi je répondrai : "Je doute fort que Killian utilise jamais son portable pour savoir qui était Chateaubriand", et le fastidieux condensé qu’il trouvera sur Wikipedia ne vaudra jamais l’histoire que je pourrais lui raconter si j’y mets un peu de cœur et de passion". "Si Peau d'âne m'était conté, nous rappelle par ailleurs malicieusement La Fontaine, / J'y prendrais un plaisir extrême,/ Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant / Il le faut amuser encor comme un enfant, et l’amuser par des histoires."(1)
Dans Sept mythes sur l’éducation, ouvrage à paraître en mars prochain (2), Daisy Chritodoulou, spécialiste de l’éducation au Royaume-Uni démontre que le plus grand mythe contemporain au sujet de l’éducation est celui qui consiste à croire que la connaissance n’a plus d’importance. Dans une interview accordée au Figaro, il y a un peu plus d’un an, elle disait ceci : "La science n'est pas du côté des pédagogues progressistes. La recherche menée ces cinquante dernières années par la psychologie cognitive montre bien combien nous dépendons du savoir stocké dans la mémoire longue pour tous nos procédés mentaux." (3) 
Ce qu’elle appelle la "mémoire de travail", celle qui sert à aborder l'information nouvelle et l'environnement immédiat, "est très limitée. Il est donc important "de savoir "par cœur" des choses, même si elles n'ont pas une utilité immédiate." Et elle poursuit, un peu comme je le faisais à propos de Châteaubriand: "Ainsi, même si tout le monde dispose désormais de calculatrices, il est indispensable de connaître ses tables de multiplications par cœur. Car après vous serez capable de résoudre des problèmes plus complexes sans avoir à utiliser l'espace limité et précieux de la mémoire de travail pour calculer les tables de multiplication.
De la même façon, cette chère Daisy démonte les pédagogies qui se targuent de mettre l’enfant au coeur des apprentissages "Le problème avec les approches qui mettent l'enfant au centre de l'apprentissage, c'est que les enfants sont vite désorientés, ne comprennent pas les concepts fondamentaux et perdent du temps dans des digressions secondaires.» La digression est aussi le problème qui guette la pratique si à la mode des îlots. L’absurdité est portée à son comble quand le professeur de langue fait dialoguer entre eux des élèves qui n’ont pas un minimum de compétences linguistiques pour poser un échange construit, fructueux ou tout simplement acceptable (au sens linguistique du terme).
Pour ceux qui trouverait mes propos réactionnaires ou qui craignent de s’élever contre l’effet de mode, qu’ils sachent qu’il existe une associations : l’APPEx(4) (Association pour la pédagogie explicite) qui milite, dans les écoles – mais ce qui vaut pour l’école vaut pour le collège ‑, pour la
transmission de savoirs clairement énoncés (teaching) et mis en pratique (learning). Un syndicat, le SNALC,(5) ouvert aux enseignants du privé, met aussi au cœur de ses préoccupation la transmission d’un enseignement de qualité centré sur les savoirs. A tous ceux qui sentent de grands moments de solitudes lorsque, en réunion, tout le monde approuve ou feint d’approuver les exhortations à cesser une "pédagogie frontale dépassée", sachez qu’elle n’est pas aussi dépassée qu’on veut nous le faire croire. Nous n’avons pas passé des années à devenir des experts dans notre discipline, des heures à préparer nos cours, réfléchir nos progressions, pour être transformés en GO de Clubs Med. Nous avons à transmettre les mathématiques, l’histoire, l’anglais, la littérature… tout ce qui permet à l’enfant/adolescent de se constituer en être humain doué de culture et de passion.

1. La Fontaine, "Le Pouvoir des fables", Fables,1668.
2. Daisy Christodoulou, Sept mythes sur l'éducation, La Librairie des écoles, mi-mars, 2018.
3. http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2015/05/29/31003-20150529ARTFIG00340-ecole-l-idee-que-le-savoir-n-a-plus-d-importance-est-le-plus-grand-mythe-des-pedagogues.php
4. http://www.3evoie.org/, voir aussi : https://laclassedemallory.net/2017/05/01/la-pedagogie-explicite-kesako/
5. https://www.snalc.fr/national/menu/333/page/1/page/1/




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